L'agriculture contribue de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre en France, représentant environ 20% du total. Cet article explore l'impact de ce secteur clé sur le réchauffement climatique et présente des solutions pour réduire son empreinte carbone, notamment grâce à l'automatisation au sein de l'agriculture.

📊 Répartition des émissions agricoles : Les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole français se répartissent comme suit : 60% proviennent de l'élevage, 27% des cultures et 13% des engins agricoles.

L'impact de l'agriculture sur les émissions de gaz à effet de serre en France

L'agriculture joue un rôle significatif dans les émissions de gaz à effet de serre en France. Bien que souvent éclipsée par d'autres secteurs comme les transports ou l'industrie, l'agriculture contribue de manière substantielle au réchauffement climatique à travers diverses sources d'émissions. Comprendre l'impact de l'agriculture sur les émissions de GES est essentiel pour mettre en place des solutions efficaces visant à réduire son empreinte carbone.

Une part importante des émissions nationales de GES

En France, l'agriculture représente environ 20% du total des émissions de gaz à effet de serre. Selon les données du CITEPA pour l'année 2019, les émissions de GES du secteur agricole s'élevaient à 77,2 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt éqCO2), sur un total national de 436,6 Mt éqCO2. L'agriculture se place ainsi comme le deuxième secteur le plus émetteur, derrière les transports (31% des émissions) mais devant l'industrie manufacturière (17%).

Les principales sources d'émissions agricoles

Les émissions de GES de l'agriculture proviennent principalement de trois sources :

1. Le méthane (CH4)

Le méthane représente environ 45% des émissions de GES agricoles. Il est principalement émis par la fermentation entérique des ruminants (bovins, ovins, caprins) lors de leur digestion. Le stockage des effluents d'élevage est également une source significative de méthane.

2. Le protoxyde d'azote (N2O)

Le protoxyde d'azote, qui a un pouvoir de réchauffement 300 fois supérieur au CO2, représente environ 40% des émissions agricoles. Il est principalement lié à l'utilisation d'engrais azotés minéraux et organiques sur les cultures. Les processus de nitrification et dénitrification dans les sols génèrent du N2O.

3. Le dioxyde de carbone (CO2)

Bien que moins significatif que le CH4 et le N2O, le CO2 contribue également aux émissions agricoles (environ 15%). Il est émis par la consommation de carburants fossiles des engins agricoles comme les tracteurs, ainsi que par la consommation d'énergie des bâtiments d'élevage et serres.

Répartition des émissions par production

Les émissions de GES de l'agriculture se répartissent de la manière suivante selon les types de production :

  • L'élevage est responsable d'environ 60% des émissions agricoles, dont 41% pour les bovins. La fermentation entérique et la gestion des effluents sont les deux principaux postes d'émissions.
  • Les cultures représentent environ 27% des émissions, principalement via l'épandage d'engrais azotés émettant du N2O.
  • La consommation d'énergie (engins agricoles, bâtiments, serres) compte pour environ 13% des émissions du secteur.

Au sein même des productions animales et végétales, certaines filières sont plus émettrices que d'autres. Par exemple, l'élevage bovin viande a une empreinte carbone par kg de produit bien supérieure à celle de la volaille ou du porc. Pour les cultures, le riz et les légumineuses émettent plus de N2O que les céréales.

L'agriculture française a donc une responsabilité importante dans la lutte contre le changement climatique. Réduire ses émissions de GES nécessite d'agir à la fois sur les pratiques d'élevage, la gestion des cultures et la consommation d'énergie, en tenant compte des spécificités de chaque filière. Des leviers techniques existent, mais ils doivent s'accompagner d'une évolution plus globale des systèmes de production et de consommation alimentaires pour espérer atteindre la neutralité carbone.

Les dix actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en agriculture

Face à l'urgence climatique, l'agriculture française doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre tout en maintenant sa production. Plusieurs actions concrètes peuvent être mises en place par les agriculteurs pour atteindre cet objectif ambitieux. Voici un aperçu des dix principales mesures proposées, avec leur potentiel d'atténuation et leurs coûts ou gains associés à l'horizon 2030.

1. Réduire le recours aux engrais minéraux de synthèse

En utilisant mieux les engrais et en valorisant davantage les ressources organiques, il est possible de réduire les émissions de N2O liées à l'utilisation d'engrais azotés. Le potentiel d'atténuation est estimé à 7,5 MtCO2eq/an, pour un coût de 69 €/tCO2eq.

2. Accroître la part de légumineuses dans les grandes cultures et les prairies

Les légumineuses, grâce à leur capacité à fixer l'azote de l'air, permettent de réduire les apports d'engrais azotés et donc les émissions de N2O. Leur introduction dans les rotations pourrait éviter 3,6 MtCO2eq/an, avec un gain de 145 €/tCO2eq.

3. Développer les techniques culturales sans labour

Le non-labour favorise le stockage de carbone dans les sols. Généralisé, il permettrait de stocker 1,8 MtCO2eq/an, pour un coût de 14 €/tCO2eq.

4. Introduire des cultures intermédiaires et des bandes enherbées

Ces pratiques limitent les émissions de N2O en captant l'azote du sol, et stockent du carbone. Leur potentiel est de 2,6 MtCO2eq/an, pour un coût de 65 €/tCO2eq.

5. Développer l'agroforesterie

Associer arbres et cultures ou prairies favorise le stockage de carbone dans les sols et la biomasse. Le potentiel est de 2,1 MtCO2eq/an, avec un gain de 117 €/tCO2eq.

6. Optimiser la gestion des prairies

Une bonne gestion des prairies (allongement des prairies temporaires, réduction du labour) accroît leur stockage de carbone. Le gain serait de 1,8 MtCO2eq/an, pour un coût de 12 €/tCO2eq.

7. Substituer des glucides par des lipides insaturés dans l'alimentation des ruminants

Modifier les rations en remplaçant une partie des glucides par des lipides (graines de lin) et en ajoutant un additif à base de nitrate permet de réduire les émissions de méthane entérique. Le potentiel est de 1,4 MtCO2eq/an, pour un coût de 219 €/tCO2eq.

8. Réduire les apports protéiques dans les rations animales

Ajuster les apports en protéines aux besoins des animaux limite les teneurs en azote des effluents et donc les émissions de N2O lors de leur stockage et épandage. Cela permettrait d'éviter 0,7 MtCO2eq/an, avec un gain de 64 €/tCO2eq.

9. Développer la méthanisation des effluents d'élevage

La méthanisation réduit les émissions de CH4 liées au stockage des effluents. Équiper 25% des exploitations permettrait d'éviter 1,7 MtCO2eq/an, pour un coût de 40 €/tCO2eq.

10. Réduire la consommation d'énergie fossile des bâtiments et équipements

Des économies d'énergie sur le chauffage des bâtiments, le réglage des tracteurs ou l'isolation des tanks à lait peuvent réduire les émissions directes de CO2. Le potentiel est de 1,2 MtCO2eq/an, avec un gain de 59 €/tCO2eq.

ActionPotentiel d'atténuation (MtCO2eq/an)Coût/gain (€/tCO2eq)
Réduire le recours aux engrais minéraux7,569
Accroître la part de légumineuses3,6-145
Techniques culturales sans labour1,814
Cultures intermédiaires et bandes enherbées2,665
Agroforesterie2,1-117
Optimiser la gestion des prairies1,812
Substituer glucides par lipides insaturés (ruminants)1,4219
Réduire apports protéiques (rations animales)0,7-64
Méthanisation des effluents d'élevage1,740
Réduire consommation énergie fossile (bâtiments, équipements)1,2-59

Le potentiel de stockage du carbone par l'agriculture

L'agriculture n'est pas seulement un secteur émetteur de gaz à effet de serre, elle représente également un fort potentiel de stockage du carbone dans la biomasse et les sols. En adoptant des pratiques agricoles adaptées, il est possible de favoriser la séquestration du carbone et ainsi contribuer à l'atténuation du changement climatique.

Un potentiel de stockage significatif

Selon les estimations, le potentiel de stockage du carbone dans les terres agricoles françaises pourrait compenser jusqu'à 39% des émissions du secteur1. Ce chiffre met en évidence l'importance de l'agriculture dans la lutte contre le réchauffement climatique. En stockant du carbone dans les sols et la biomasse, l'agriculture peut agir comme un véritable puits de carbone et ainsi contrebalancer une partie de ses propres émissions.

Les techniques de stockage du carbone

Plusieurs pratiques agricoles permettent de favoriser le stockage du carbone :

  • L'utilisation de matières organiques (compost, fumier, résidus de culture) pour enrichir les sols en carbone organique
  • L'agroforesterie, qui consiste à intégrer des arbres dans les parcelles cultivées ou les prairies, permettant un stockage du carbone à la fois dans les sols et la biomasse aérienne
  • La conservation des prairies permanentes, qui sont d'importants réservoirs de carbone
  • La rotation des cultures et la couverture végétale des sols, qui limitent les périodes de sol nu et favorisent l'accumulation de matière organique

La mise en œuvre de ces techniques sur une large échelle pourrait permettre de stocker des quantités significatives de carbone. Par exemple, le développement de l'agroforesterie sur seulement 5% de la surface agricole française permettrait de séquestrer 1,7 million de tonnes de CO2 par an2.

Des bénéfices économiques et environnementaux

Le stockage du carbone dans les sols agricoles présente de multiples avantages. En plus de contribuer à l'atténuation du changement climatique, il améliore la fertilité et la résilience des sols face aux aléas climatiques. De plus, certaines pratiques comme l'agroforesterie ou la couverture végétale peuvent générer des revenus complémentaires pour les agriculteurs (production de bois, fourrage, etc.).

Toutefois, la transition vers ces pratiques peut nécessiter des investissements initiaux et une adaptation des systèmes de production. C'est pourquoi des mécanismes incitatifs, comme les paiements pour services environnementaux ou le marché volontaire du carbone, sont essentiels pour accompagner les agriculteurs dans cette démarche.

Des initiatives prometteuses

Plusieurs initiatives visent à promouvoir le stockage du carbone en agriculture. L'initiative internationale "4 pour 1000", lancée lors de la COP21 en 2015, a pour objectif d'augmenter chaque année de 0,4% les stocks de carbone dans les sols. En France, des projets de compensation carbone volontaire émergent, permettant aux entreprises de financer des pratiques agricoles vertueuses en échange de crédits carbone.

Le stockage du carbone en agriculture représente donc une opportunité majeure pour concilier production alimentaire et lutte contre le changement climatique. En valorisant ce potentiel, l'agriculture française peut devenir un acteur clé de la transition vers une économie bas-carbone.

Sources :

  1. INRA, 2013. Quelle contribution de l'agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
  2. ADEME, 2015. L'agroforesterie : des arbres dans nos cultures.

Les défis et perspectives pour la décarbonation de l'agriculture

La réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole est un enjeu majeur pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à l'horizon 2050. Cependant, l'agriculture française est confrontée à plusieurs défis pour décarboner ses activités, notamment en termes de financement et d'adaptation des pratiques.

Les obstacles financiers et le manque de financements

L'un des principaux freins à la décarbonation de l'agriculture est le manque de financements dédiés. La transition vers des pratiques agricoles bas carbone nécessite des investissements importants, que ce soit pour l'acquisition de matériel plus performant, la formation des agriculteurs ou la mise en place de nouvelles infrastructures.

Selon une étude de l'INRAE, les besoins en financement pour la transition bas carbone de l'agriculture française sont estimés entre 7 et 14 milliards d'euros par an d'ici à 2030. Or, les aides publiques actuelles ne couvrent qu'une faible part de ces besoins, avec environ 1,8 milliard d'euros par an alloués à la transition agroécologique dans le cadre de la PAC 2023-2027.

Les difficultés d'ajustement entre l'offre et la demande

Un autre défi réside dans la nécessité d'adapter l'offre agricole à une demande en évolution, avec une attente croissante des consommateurs pour des produits plus durables et locaux. Cela implique de repenser les modes de production, de distribution et de consommation, tout en garantissant la viabilité économique des exploitations.

Par exemple, le développement des circuits courts et de l'agriculture biologique, bien que plébiscité par les consommateurs, se heurte encore à des difficultés logistiques et de rentabilité pour les producteurs. En 2020, seulement 9,5% de la surface agricole utile (SAU) était cultivée en bio en France, loin de l'objectif de 15% fixé pour 2022.

Des solutions pour surmonter ces défis

Mécanismes d'incitation économique

Pour encourager la transition bas carbone, des mécanismes d'incitation économique sont mis en place, comme les paiements pour services environnementaux (PSE). Ces dispositifs visent à rémunérer les agriculteurs pour les pratiques vertueuses qu'ils mettent en œuvre, comme la réduction des intrants, la plantation de haies ou la conservation des prairies.

Depuis 2019, plusieurs projets pilotes de PSE ont été lancés en France, mobilisant près de 150 millions d'euros sur 5 ans. À terme, l'objectif est de généraliser ces dispositifs et d'atteindre 1 milliard d'euros par an de paiements pour services environnementaux dans le secteur agricole.

Labellisation et marché volontaire des crédits carbone

La labellisation des projets agricoles bas carbone et le développement d'un marché volontaire des crédits carbone sont d'autres leviers pour valoriser les efforts de décarbonation. Le label bas carbone, lancé en 2019, permet de certifier les réductions d'émissions générées par des projets agricoles et forestiers, et de les convertir en crédits carbone échangeables sur le marché volontaire.

Fin 2022, près de 300 projets étaient labellisés, représentant un potentiel de 2,8 millions de tonnes de CO2 évitées sur 5 ans. Le prix moyen des crédits carbone agricoles se situait autour de 30 €/tCO2e, offrant une source de revenus complémentaires pour les agriculteurs engagés dans la transition.

Contractualisation entre acteurs des filières

Enfin, le renforcement de la contractualisation entre les différents maillons des filières agricoles et alimentaires est un levier pour sécuriser les débouchés et partager les coûts de la transition. Des contrats tripartites associant producteurs, transformateurs et distributeurs se développent, avec des engagements réciproques sur les volumes, la qualité et les prix.

C'est le cas par exemple de la filière blé dur, où un contrat de transition agroécologique a été signé en 2022 entre les agriculteurs, les semouliers et les fabricants de pâtes. Il prévoit une rémunération complémentaire des producteurs de 100 €/t pour les blés cultivés sans pesticides de synthèse, ainsi qu'une garantie d'achat pluriannuelle.

AnnéeÉmissions agricoles (MtCO2e)Réduction vs. 1990
199094,5-
202082,3-13%
203072,1-24%
205047,2-50%

Grâce à la combinaison de ces différents leviers, le secteur agricole vise une réduction de 24% de ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990, et de 50% à l'horizon 2050, selon les projections de la Stratégie Nationale Bas Carbone. Des objectifs ambitieux, qui nécessiteront une mobilisation de l'ensemble des acteurs et des moyens à la hauteur des enjeux.

L'essentiel à retenir sur la décarbonation de l'agriculture française

Si l'agriculture française doit relever d'importants défis pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, des solutions existent, allant de l'adoption de pratiques plus durables à la mise en place de mécanismes incitatifs. Avec une volonté politique forte et l'implication de tous les acteurs, il est possible d'atteindre des baisses substantielles des émissions agricoles à l'horizon 2030 et 2050, contribuant ainsi aux objectifs climatiques nationaux.

Questions en rapport avec le sujet

Pourquoi l'agriculture émet des GES ?

Les émissions de GES du secteur ne sont principalement pas liées à sa consommation d'énergie mais plutôt aux processus naturels de production comme la rumination des élevages (CH4), l'épandage d'engrais (N2O) et l'utilisation de machines agricoles polluantes (CO2).

Qu'est-ce qui pollue le plus dans l'agriculture ?

Principales émissions de GES en agriculture : 42% N 2 O (protoxyde d'azote) : Engrais azotés, effluents d'élevage, résidus de cultures. 13% CO 2 (dioxyde de carbone) : Consommation d'énergie sur la ferme : engins agricoles, serres chauffées, bâtiments d'élevage, tanks à lait…

Quel est l'impact de l'agriculture sur l'environnement ?

Cependant, les activités agricoles fragilisent aussi ces écosystèmes. L'agriculture est le premier émetteur d'ammoniac dans l'air et les intrants agricoles polluent les eaux et les sols : +6 % de nitrate dans les cours d'eau de France métropolitaine entre 2000 et 2020.

Comment l'agriculture produit du CO2 ?

L'essentiel de ces émissions s'explique, d'une part, par les rejets agricoles de méthane CH4 (4 GtCO2 équivalent/an) et de protoxyde d'azote N2O issu de la fertilisation azotée (2,2 GtCO2 équivalent/an) ; et d'autre part par les changements d'usage des terres et la déforestation, qui rejettent 5,2 Gt de dioxyde de carbone CO2/an.